Carrières

Les carrières d’extraction de monolithes ont d’abord fait l’objet de quelques sondages en 2008. Leur étude s’est surtout développée pendant les campagnes de fouilles suivantes, notamment en 2009 et en 2010, puis de 2014 à 2016. Ces décapages extensifs ont concerné une superficie de l’ordre de 650 m². Une campagne de prospections géophysiques eu lieu en 2013 sur une surface d’environ 3600 m² qui a fait l’objet d’une cartographie de résistivité électrique, pour partie sur une friche à l’ouest où affleure la cuirasse, et pour partie dans un champ cultivé à l’est.

Image42 – De larges décapages dans les carrières de monolithes, à Wanar, ont mis à jour de très nombreux négatifs d’enlèvements de monolithes courts et trapus. Cliché L. Laporte.

Les négatifs de plusieurs pierres en lyre ont été identifiés, et fouillés. La préparation du ciel de carrière s’est faite par martelage, de façon à concasser la partie supérieure indurée de la cuirasse qui présente de nombreuses petites dépressions résultant de tels impacts. Dans les diaclases ou les anfractuosités naturelles de la roche, on observe de petites dépressions au profil en V correspondant à l’impact de coins métalliques. On agrandi de la sorte certaines des fissures naturelles de la roche à l’aide d’outils dont la lame mesure autour de 4 à 5 cm de large. L’extraction des monolithes se poursuit ensuite par le creusement de gorges annulaires. On trouve les stigmates de cette opération sur les parois de la fosse, comme sur les flancs des blocs dressés dans la nécropole, avec des traces d’outils aux lames plus fines, de 1 à 2,5 cm. Elle correspond à une première mise en forme des flancs du monolithe. Au fond de la fosse d’extraction, ce procédé se matérialise par une légère rigole qui ceinture le négatif de l’enlèvement, symétrique de la face d’arrachement sur le monolithe. Il suffit enfin de détacher le bloc du rocher en faisant levier.

Image43 – Pierre en lyre en cours d’extraction dans les carrières situées au nord-ouest de la nécropole mégalithique de Wanar. Cliché L. Laporte.

Au sud des décapages, treize négatifs d’extraction ont été complètement dégagés. Onze d’entre eux présentent quatre petits creusements circulaires alignés sur l’un des deux côtés allongés du monolithe : il s’agirait de l’ancrage dans la roche d’un dispositif standardisé permettant d’exercer une pression uniforme sur l’un des deux cotés allongés du monolithe, au moment de son extraction. Le travail des carriers se poursuivait ensuite de proche en proche. L’extraction de monolithes n’est d’ailleurs pas la seule finalité du travail dans les carrières qui fournissent également les moellons utilisés pour la construction de murettes intercalaires et d’importants volumes de gravillons latéritiques parmi les déchets de taille. le caractère très ordonné des négatifs d’extraction dans les carrières, de même que les vestiges d’une certaine forme de mécanisation, voire quelques indices quant à l’usage de systèmes de levage perfectionnés, s’opposent au caractère rudimentaire des connaissances techniques que l’on prête souvent aux bâtisseurs de mégalithes. Les chaînes opératoires sont bien maîtrisées et parfaitement adaptées au type de substrat exploité, avec somme toute peu d’échecs : les opérations les plus délicates interviennent lors du détachement du bloc de son substrat, et dans une moindre mesure à l’occasion de son transport vers le chantier de construction.

Image44 – Certains des négatifs d’enlèvement présentent les traces d’un dispositif probablement en bois destiné à faciliter le détachement du bloc de son substrat, marqué par quatre empreintes circulaires, et correspondant à une mécanisation de l’extraction. Cliché L. Laporte.

La question des modalités du transport de ces très gros blocs de pierre, depuis la carrière vers le chantier de construction, est toujours un peu délicate car elle ne laisse guère de traces matérielles pérennes. à Wanar, la faible distance entre les carrières et le chantier de construction, comme la présence d’un bloc de quelques tonnes cassé en deux fragments retrouvés distants de plusieurs mètres sur ce même trajet, plaide plutôt pour une simple traction des blocs sur le sol.

Image45 – Remontages virtuels de deux monolithes brisés dans les carrières de Wanar, pesant plus d’une tonne chacun, par le biais de la photogrammétrie. Réalisation J.-B. Barreau (UMR 6566).